Il regardait la télévision, dans une échoppe tenue par sa famille, lorsqu’un tueur est apparu pour l’abattre d’une balle dans la tête. Le journaliste Jesus Yutrago Malabanan, dit “Jess Malabanan”, est mort sur le coup, ce mercredi 8 décembre vers 18 heures, à Calbayog, une ville de la province de Samar, située dans l’est de l’archipel philippin.
Correspondant permanent du quotidien Manila Standard Today, Jess Malabanan avait également travaillé pour le Manila Times, le Central Luzon Daily ou la chaîne ABS-CBN News, et participé à plusieurs articles pour Reuters. C’est notamment pour l’agence de presse britannique qu’il avait enquêté sur les à-côtés de la politique de “Guerre à la drogue” lancée par le président philippin Rodrigo Duterte – et plus spécialement sur les filières d’approvisionnement venues de Chine.
Comme l’a rappelé son confrère Manny Mogato sur Twitter, le travail collectif auquel avait participé Jess Malabanan avait été salué par un prix Pulitzer en 2018. A la suite de la parution de cette enquête, et de menaces répétées, l’équipe de Reuters l’avait d’ailleurs aidé à déménager de la ville de Pampanga, dans le nord du pays, où il était basé, pour se cacher sur l’île de Samar.
33 tués en dix ans
“Nous appelons les autorités philippines à dépêcher immédiatement une équipe d’enquêteurs à Calbayog pour identifier les coupables du meurtre atroce de Jess Malabanan, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Un faisceau de présomptions laisse clairement penser qu’il a été visé pour ses enquêtes, pour certaines particulièrement sensibles. Le traitement de cette affaire et la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes sont un test pour l’état de droit aux Philippines.”
Si l’hypothèse d’un meurtre lié à son métier venait à se confirmer, Jess Malabanan serait, selon le baromètre de RSF, le 16e journaliste tué sous la présidence de Rodrigo Duterte, débutée en 2016. Son assassinat intervint deux jours avant la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix à sa compatriote Maria Ressa, cofondatrice et présidente du site Rappler, qui s’est envolée pour Oslo ce même 8 décembre.
En amont de cette remise de ce prix, RSF a publié en début de semaine un état des lieux des assassinats de journalistes dans le monde depuis 10 ans. Aux Philippines, on compte au moins 33 journalistes tués en raison de leur activité professionnelle. Sur la base des statistiques recueillies par RSF sur cette période, l’archipel est le 8e pays le plus dangereux pour les journalistes.
Le pays occupe le 138e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.